Il faudrait classer les Frigos cause nationale… et surtout ne rien changer.
Bon, j’ai bien compté, il y avait 3500 fois plus de monde aux portes ouvertes des frigos ou des ateliers d’artistes de Belleville qu’à la Fête à Léon, fête d’un quartier sympa, d’accord puisque ce fut le mien dans une vie antérieure – mais attention même le futur peut être antérieur – et en plein air comme beaucoup de quartiers et dont les animations ne pouvaient lutter à armes égales contre la pluie, le vent, le froid et les innombrables ateliers d’artistes ouverts et accueillants, comme autant petits musées en accès libre.
La Trolle pouvait compter sur ses déballages qui attirent, même sous la neige, les amateurs de brocantes, mais là on n’est plus dans le même registre.
Revenons aux Frigos dont la situation immobilière devient chaque année qui passe une véritable curiosité. Enserrée dans un tissu d’immeubles flambants neufs, tout de verre et d’acier, entre Bnf, Université et aquariums bio, ce bâtiment faussement sorcier-gothique-chateau d’eau construit vers les années 1920 abrite toute une population d’artistes de tous poils, arrivés ou en devenir, dans des locaux indestructibles puisque le bâtiment servait vraiment d’entrepôt frigorifique, ce qui explique l’épaisseur de coffre fort des portes de certains locaux et le bon aloi du béton de l’ensemble, dont l’effritement externe lui permet de s’emmailloter dans un filet aussi bien que l’opéra bastille, non mais.
Le tout ponctué par des démêlés épiques avec la Mairie de Paris, démêlés qui perdurent fort heureusement et qui ne doivent surtout pas s’apaiser faute de mort lente. Il semble bien que les gites artistiques aient besoin de désordre et de grandes indignations, que ce soit au Lapin à Gil, au Bateau Lavoir, au 59 Rivoli, à la Forge, au 104, au Point éphémère ou aux Métallos. Dès que la rumeur s’apaise, l’enlisement dans la médiocrité s’installe… n’en déplaise aux amateurs d’ordre.
Bref, malgré une tentance des plus en vue à un certain désir d’embourgeoisement que les bourgeois qui les visitent ne sauraient leur reprocher sans hypocrisie, les artistes de ces bouillons de culture font chaud au coeur et la foule bon chic qui se pressait dans les escaliers tagués à mort des frigos avant de défiler en rangs serrés dans les ateliers devant des toiles barbouillées à l’excès, des photos de sexe d’une incroyable crudité – qui faisaient crier de plaisir deux visiteuses japonaises que je suivais par malice – ou des petites statues d’orgie au réalisme chirurgical à déposer sur le manteau de la cheminée, ce sera très classe coco!
Comme au 59 Rivoli, ce sont les lieux communs qui finalement font la synthèse de l’endroit.
A Rivoli, c’est le musée Igor Balut, invraisemblable déballage organisé dans le foutoir, qui vit et respire et s’étend comme le métomol de Champignac, et dans une moindre mesure l’escalier.
Aux frigos, c’est sans conteste l’escalier encore, chef d’oeuvre d’architecture et de surfaces en libre accès artistique défoulatoire qui aura été cette année encore le grand gagnant.
http://www.les-frigos.com/