« PEINTURES DES LOINTAINS »
120 tableaux extraits de la collection du musée du quai Branly – Jacques Chirac
Du 30 janvier 2018 au 6 janvier 2019 – Mezzanine Ouest
37 quai Branly Paris 7e (carte)
Dimanche à mercredi de 11h à 19h – Jeudi à samedi de 11h à 21h.
Fermeture le lundi
C’est une formidable plongée dans l’univers merveilleux des terres lointaines du 19ème et d’une bonne moitié du vingtième siècle que nous propose le Musée du Quai Branly.
Un coup de chapeau en passant, à Sarah Ligner, commissaire de cette exposition, dont le travail est vraiment remarquable et d’une grande pertinence.
Une exposition qui nous retrace plusieurs histoires: celle de cette collection de plus de 500 peintures (plus de 120 sont présentées dans l’exposition) rassemblées pour l’essentiel entre 1931 et 2003 au palais de la porte Dorée. D’abord exposées dans des expositions universelles puis dans un palais, elles seront finalement mises en réserves comme notre souvenir collectif et c’est merveille de pouvoir aujourd’hui les admirer et tenter d’en comprendre le sens. Leur présentation regroupée les éclaire d’un jour très intéressant même s’il nous dérange un peu.
D’où cette autre histoire, celle de l’idée que les artistes et la société dans laquelle ils vivaient se faisaient de ces fameux pays exotiques, porteurs de rêves et de sentiments d’une incroyable naïveté condescendante, …et de richesses arrachées et amassées.
Les explorateurs, voyageurs, colonisateurs, suivis ou accompagnés par les peintres et les poètes, avaient comme nos touristes d’aujourd’hui, la marotte de la représentation, qu’elle soit celle des natifs et indigènes ou celle du voyageur lui-même, déguisé en autochtone ou pas. Et finalement le selfie et la photo souvenir, tout comme le portrait ou la peinture idéalisée en atelier ou sur le vif, nous en apprennent bien plus sur le visiteur ou le rêveur que sur le pays visité ou ses habitants.
Il serait bon qu’en contemplant, émerveillés et décontenancés, ces représentations décalées avec ce que nous pensons être la vérité et, disons-le, la morale historique contemporaine, nous ne nous fassions pas trop d’illusions: nos enfants nous regarderons certainement de travers en découvrant nos façons d’appréhender et de représenter nos lointains d’aujourd’hui.
Que penseront-ils de nos organisations humanitaires, de nos grands discours, de nos politiques commerciales de développement qui nous rapportent tellement plus qu’elle ne nous coûtent… Que penseront-ils dans un siècle, de nos déclarations enflammées, de nos concerts de solidarité, et de nos conseillers militaires quand ils ne sont pas les faux nez de simples corps expéditionnaires ou la nostalgie de la canonnière? Je ne sais pas trop, mais rien de bon sans doute.
Allons, ne boudons pas notre plaisir et allons goûter la nostalgie des bons sauvages et des nuits câlines avec le sourire condescendant de ceux à qui on ne la fait pas… mais en ayant une conscience aigüe que, justement, nous ne sommes que préjugés et idées fausses, sans même nous en apercevoir.
Notre seule consolation sera de nous persuader que même nos successeurs seront à leur tour victimes de leurs propres aveuglements.