Jeu de Paume
Ali Kazma – Souterrain
17/10 / 2017 – 21/01/ 2018
L’expo sur le site du jeu de Paume
« Né à Istanbul en 1971, Ali Kazma est diplômé de la New School, New York, en 1998. Il vit et travaille à Istanbul depuis 2000.
Ayant recours dans son travail aux médias photographiques et filmiques, il parcourt la planète à la recherche de situations, de lieux et de bâtiments où entre en jeu l’aptitude de l’homme à transformer le monde. »
Il y a des expositions, parfois, qui vous frappent à l’estomac.
Je dois dire que je n’aime pas trop le mélange des genres et en particulier les performances vidéos glissées parmi les expositions de photos. Très subjectif, ce sentiment ne mérite pas d’être justifié, c’est comme ça. Aussi quand, lors de ma visite au jeu de Paume pour la session d’expositions qui court jusqu’au 21 janvier 2018, je pénétrai dans l’espace réservé au photographe vidéaste Ali Kazma, ce fut avec beaucoup de prudence, pour ne dire beaucoup de réticence.
Et ce fut le choc. Immédiat. Les salles étant pourvues de suffisamment de banquettes pour visionner les oeuvres, je m’assis et regardai, fasciné, la première séquence intitulée Calligraphy (2013 – 6 min). Sur un écran de belle taille, sans musique sinon le bruit capté au tournage, une main taillait avec précaution un morceau de roseau ou de bois pour en façonner une plume. Ici tout va à son rythme et ce n’est pas un artifice de caméra. Si le geste est lent, la caméra capte cette lenteur comme elle capte le moindre détail de cette action a priori banale. Et quand enfin, l’encre déposée sur cette plume, elle touche le papier en une danse précise et majestueuse, on est comme hypnotisé par la beauté de l’action et conquis par la justesse de cette captation. Six minutes pour approcher au plus près une simple activité humaine, singulière sans doute, qu’est cette calligraphie là et ressentir que cette observation minutieuse et à ce point dépouillée approche au plus près de son essence.
Car c’est là la singularité d’Ali Kazma : filmer les activités humaines dans leur déroulement quotidien et dans leur environnement, au plus près et dans leur rythme propre; lent lorsqu’elles le sont, effrénées lorsque c’est justement leur singularité.
Comme cet autre séquence, Clerck (2011 – 3 min 30s) où on voit un employé de bureau préparer soigneusement un liasse de feuillets administratifs puis leur appliquer, sur un tempo hallucinant, deux coups de tampon à chacun. Aucun commentaire, seulement la présentation de cet acte banal et virtuose.
Je fus comme beaucoup sans doute, à la fois subjugué par l’habilité diabolique de ces coups de tampon appliqués avec une folle rapidité, et sur la question non posée mais inévitable: Pour Quoi Faire?
Est-ce là le sujet d’Ali Kazma: interroger l’intervention de l’homme sur son environnement, à quelque niveau que ce soit, l’exposition magistrale de son habilité, de sa compétence, de son savoir faire, de sa technicité extrême et laisser la réponse à d’autres, au spectateur sans doute?