L’irrépressible envie de la petite phrase

On le sait, on s’est répété toute la nuit qu’il faudrait tenir sa langue, que les conséquences seraient immenses, incontrôlables, on est persuadé qu’on saura se maîtriser… et rien à faire, on lâche qui son bon mot, qui sa petite vacherie, qui sa confidence à ne répéter qu’aux amis sûrs, bref on se lâche, on perce devant sa glace le petit bouton d’humeur quasi invisible dont on sait très bien qu’une fois crevé il nous fera sur le front une affreuse marque rouge et gonflée et que du pus se sera répandu sur le joli miroir au vu de tous.

C’est un drôle de phénomène qu’on peut observer à toutes les époques, dans tous les milieux, en toutes circonstances et dont la force dépasse de beaucoup l’addiction aux drogues dures.

Il y a dans le lâcher de la petite phrase, dont souvent les effets nous seront néfastes, voire fatals, un soulagement immédiat de tensions lentement accumulées et devenues insupportables. Il fallait le faire, absolument, envers et contre tout ce qu’on défend, tout ce qu’on aime, tout ce qu’on met au plus haut de nos valeurs. Bref, c’est un peu un suicide sous hypnose et quand on se réveille il est trop tard, la phrase a été dite, écrite, twittée, facebookée mille fois et elle ne nous appartient plus.

Comme on regrette alors ces quelques secondes où un être malin a semblé prendre le contrôle de notre volonté la plus farouche. Mais rien ne sert alors de se lamenter, le mot s’en est allé aux confins de l’univers, répandu partout à la vitesse de l’éclair, commenté, disséqué, analysé… Rien ne le fera plus rentrer dans sa boite de Pandore..

C’est ce que doit méditer tristement ce matin François Hollande, deux fois poignardé dans le dos par ceux qui lui sont le plus proche et qui se mangeraient la langue ou le doigt aujourd’hui pour pouvoir remonter le temps et, pour l’une éteindre son portable, et pour le second répondre qu’il n’avait pas de commentaire à faire.