Avez-vous remarqué, ces jours, comme les murs des Lézarts frémissent, de la Butte aux Cailles à la Porte d’Italie, de la rue de Bièvre, à Mouffetard? C’est que les anniversaires sont des choses délicates et subtiles et très excitantes.
Dix ans, c’est une date pour une telle révolution qui aujourd’hui n’étonne presque plus personne. Pourtant…
Qui mieux que les murs de Paris le savent? Depuis toujours ils sont les témoins, les acteurs et les otages des révoltes, des espoirs, des modes de vie des parisiens qu’ils abritent, qu’il s’agisse des libelles, des avis, des affichages officiels, des réclames, des 4 sur 3 outrageux ou depuis peu des graffeurs, pocheurs et autres artistes de rue qui s’installent sur nos horizons bitumineux.
On n’imaginait pas, il y a dix ans l’espèce de révolution que fut le projet des « Lézarts sur les murs ».
C’était l’époque des procès et du repli de l’art de rue sur les friches, les palissades et les murs borgnes promis à la destruction.
Avec les Lézarts, pour la première fois, sous l’impulsion des artistes du lieu, les riverains et les mairies offrirentt aux artistes urbains des murs, des refends, des façades, des immeubles, des commerces, des vrais, visibles, habités, durables, quotidiens pour une alchimie étrange de reconnaissance et de mise en valeur partagée. Quel renversement.
De pourchassés, ils passaient d’un coup au statut de découverts, puis à celui de recherchés.
C’est Miss Tic qui ouvrit le bal en 2001avec ses femmes aux aphorismes provocateurs, puis suivirent Jérôme Mesnager et son bonhomme blanc, Némo, son imperméable et ses ballons rouges, Mosko et associés et leur bestiaire merveilleux, Speedy Graphito et sa ville tentaculaire, Jef Aérosol et ses musiciens désignés, FKDL et ses femmes tapissées, Artiste Ouvrier et ses ciselures divines et, l’année dernière enfin, Jana und Js et leur mise en abîme du regard sur la ville, comme la boucle qu’on referme.
Cette année, ils seront tous là, et ponctueront tous ensemble et séparément, à leur guise, surprise, le parcours des artistes des Lézarts de la Biève et de leurs portes ouvertes.
On murmure que deux nouveaux espaces leur seront offert pour des oeuvres communes et partagées pour fondre leur diversité, en plus des surfaces dispersées qu’il faudra découvrir.
Quelle introduction plus magnifique pouvait-on rêver pour prendre le promeneur par la main et le conduire vers les artistes qui vivent et travaillent là, aux étages, au fond des cours, derrière les murs anonymes de leur atelier?
Car les artistes créent à longueur d’année qui passe, comme passe le quidam sur le trottoir devant chez eux et que cette manifestation prétend lui faire découvrir et aimer. Manquerez-vous, cher quidam, cet anniversaire là?