John Oshon, bonjour. On peut
voir vos photos jusqu'en février 2007 à la galerie
"La panse de l'Ours" et pour ceux qui avaient eu le
privilège de découvrir vos oeuvres à Stockholm
en 2004, c'est une vraie fête et pour les autres une révélation.
Pourquoi avoir accepté d'exposer à Paris dans une
si petite galerie alors qu'on murmure que vous avez refusé
des salles prestigieuses?
John Oshon
On m'a fait beaucoup de propositions sans intérêt,
en particulier depuis août 2005, après une séance
fameuse à Drouot consacrée à la photograhie
contemporaine. J'ai eu l'impression tout à coup d'être
devenu une marchandise. Mais le propriétaire de la galerie
dont vous parlez est aussi un photographe et je me suis senti
immédiatement à l'aise, un peu comme chez un ami.
Le fait que la salle d'exposition soit à taille humaine
y contribue aussi certainement. Vous savez, la photo, c'est aussi
un média fait pour être feuilleté dans une
revue ou un livre, accroché dans son salon ou dans l'entrée
à côté du porte-manteau...
Q
Mais vos photos sont souvent tirées en très grand
format...
JO
Pas cette fois et puis j'avais envie d'un lieu plus intime où
le voyeur aurait l'impression de pouvoir toucher l'oeuvre, au
lieu de contempler les reflets des spots de salles deshumanisées.
Q
Vous dites voyeur...
JO
Quoi d'autre? Regardez une expositon de photos ou de tableaux
et ces gens qui défilent lentement devant chaque oeuvre,
en silence, avec application, comme pour ne rien rater. On dirait
que chacun espère découvrir un secret qu'il aurait
raté la fois précédente, de très
peu peut-être... Cela me fascine. Un jour, je ferai une
série de portraits de visiteurs des expos photos...
Q
Cette fois, vous avez choisi de présenter un aspect méconnu
de votre travail, ce que vous nommez la fracture liquide.
JO
Pluitôt blessure liquide, évidemment, dans ce qu'ele
a de plus intime et féminin.
Q
Comme cette photo là, titrée "la Mère
Brune"?
JO
C'est une de mes préférées.
Q
Avec quel matériel travaillez-vous?
JO
Uniquement au numérique depuis 10 ans maintenant. je ne
comprends d'ailleurs pas tous ces débats en France sur
ce sujet. Vos compatriotes qui ont inventé la photographie
au dix-neuvième siècle en enfourchant les dernières
trouvailles de la science et de la technique, passent maintenant
plus de temps à en disserter qu'à en faire. Les
optiques ne progressent plus du tout en argentique. La recherche
et le développement sont entièrement consacrés
aujourd'hui au numérique et nous n'avons encore rien vu.
Je lisais quelque part que bentôt n'importe qui pourrait
prendre des photos dans le noir, sans bruit parasite, en 50 millions
de pixels et avec un appareil acheté au bazar du coin.
C'est bientôt. Je crois tout à fait à ça.
Cela ne remet rien en cause, c'est comme si on se mettait à
vouloir revenir aux diligences et cela n'a rien à voir
avec l'amour qu'on peut porter aux chevaux. Il faut que chaque
photographe prenne son appareil et se dise : je vais faire des
images. Et peu importe la technique. Il faut se libèrer
de ces questions là et revenir à la seule qui importe
: ai-je envie aujourd'hui de faire une photo?
Q
Vous avez accepté de
nous offrir deux tirages, en plus de "la Mère brune"
: "Gerçure" et Quelles réflexions vous
inspirent-elles?
JO
Aucune réflexion ou
plutôt toutes les réflexions... puisque ce ne sont
que ça.
Q
John Oshon, merci.
(décembre 2006)


John Oshon : "la Source du Monde" et "L'Or et la Vie"