La Panse, le 1er juillet 2005
La samaritaine va fermer, la samaritaine ferme... Pour les parisiens que nous sommes, cette nouvelle a fait l'effet d'un coup de tonnerre. La samar, cette institution, fait tellement partie de notre quotidien, elle appartient à ce point à notre patrimoine le plus intime que c'est un peu comme une partie de notre enfance, de notre vie qu'on ferme.
maquette du premier magasin ouvert par
Ernest Cognacq et son épouse, Louise Jay
On y trouvait de tout, affirmait le slogan, et c'était vrai. Combien d'heures n'avons-nous pas passé dans les immenses sous-sols qui reliaient tous les magasins entre eux, à la recherche de la prise improbable, du bidule introuvable ailleurs. En dernier recours, on venait à la samar, certains d'y trouver enfin ce qui ne se faisait plus ou ce qu'on ne trouvait pas encore ailleurs.
Mais le plus insupportable, c'est de ne plus pouvoir se promener dans les étages du magasin 2, construit en fer et en style art nouveau au début du siècle par Frantz Jourdain. A l'époque, malgré le succès de la tour effeil, le conseil municipal crut bon de cacher les structures métalliques sous une façade de pierre. Il faudra attendre 1990 pour que le bâtiment soit classé.
la magnifique verrière du magasin 2
Sauvé, direz-vous? Oui, sans doute. Mais sauvé pour qui? Car le plus triste c'est de craindre, c'est de savoir presque à coup sûr, hélas, que, malgré les belles promesses, cette merveille d'architecture ne sera plus accessible à tout un chacun, alors qu'on venait s'y promener en famille pour admirer la somptueuse verrière, qu'on ne pourra plus grimper le petit escalier hélicoïdal qui, du 9ème étage, permettait d'accéder librement, oui librement, vous avez bien lu, à l'incroyable petite terrasse en forme de passerelle de sous-marin pour découvrir le plus magnifique 360° sur les toits de paris. La tour montparnasse fait beaucoup de publicité sur sa terrasse panoramique, mais malgré sa hauteur, elle reste très excentrée et ne saurait se comparer avec celle de la samaritaine.On aurait dit un décor à la Jules Verne, et les priviligiés n'en finissaient pas de s'extasier sur le panorama en comparant le profil des monuments avec ceux reproduits sur la table d'orientation cerclée d'un cuivre vénérable qui court tout autour de la rambarde.
Ce magasin 2 recélait bien d'autres trésors, en particulier au dernier étage, entièrement consacré aux articles pour peintres et photographes, et d'où on avait la meilleure vue sur la verrière, la fameuse verrière de fer et de verre dont la couleur changeait au moindre caprice de la météo. Soleil, orages, pluies, éclaircies s'y reflêtaient en un spectacle permanent. Les habitués avaient fini par le plus la regarder, par ne plus lever le nez des rayons encombrés de chassis, de cartons et papiers aux vertus mystérieuses. La verrière était là, à disposition. On pourrait y revenir tant qu'on voulait pour la contempler... Et bien non, terminé! Et tant pis pour les négligents... Ah oui, la samaritaine ferme et les amoureux de paris sont tristes.Et comme d'habitude dans ces cas là, on croise aussi les vendeurs, les magasiniers, les livreurs, les administratifs qui battent le pavé, désemparés, comme s'ils ne voulaient pas y croire. Pas de parachute doré pour eux ni de gros paquets de stocks options, rien que l'espoir de continuer à être payé... un mois? deux mois? Ah misère!
Alors en témoignage, en soutien, quelques images retrouvées dans mes boites :