A mon frère revenant d'Italie
Alfred de Musset (1810-1857)
Toits superbes! froids
monuments !
Linceul d'or sur des ossements !
Ci-gît Venise.
Là mon pauvre coeur est resté.
S'il doit m'en être rapporté,
Dieu le conduise !
Mon pauvre coeur, l'as-tu
trouvé
Sur le chemin, sous un pavé,
Au fond d'un verre ?
Ou dans ce grand palais Nani,
Dont tant de soleils ont jauni
La noble pierre ?
L'as-tu vu sur les
fleurs des prés,
Ou sur les raisins empourprés
D'une tonnelle ?
Ou dans quelque frêle bateau,
Glissant à l'ombre et fendant l'eau
A tire-d'aile ?
L'as-tu trouvé
tout en lambeaux
Sur la rive où sont les tombeaux ?
Il y doit être.
Je ne sais qui l'y cherchera,
Mais je crois bien qu'on ne pourra
L'y reconnaître.
Il était gai,
jeune et hardi ;
Il se jetait en étourdi
A l'aventure.
Librement il respirait l'air,
Et parfois il se montrait fier
D'une blessure.
Il fut crédule,
étant loyal,
Se défendant de croire au mal
Comme d'un crime.
Puis tout à coup il s'est fondu
Ainsi qu'un glacier suspendu
Sur un abîme....
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